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La gestion d’une campagne calamiteuse

By 14 avril 2022 avril 28th, 2022 No Comments

Il n’y a pas si longtemps, la candidate des Républicains Valérie Pécresse accusait l’actuel Ministre de l’Economie d’avoir, je cite : « brûlé la caisse enregistreuse » de l’Etat dans sa gestion politique après la crise de la Covid-19. Au soir même des premières projections, certains candidats devaient déjà se projeter sur la suite à donner à leurs idées de grandeur.

Passé son élection sur le fil aux primaires de la droite, c’est ainsi que les institutions de sondage prédisaient un mauvais score à la conservatrice ; il s’est avéré être pire que ça. Obtenant un score inférieur à 5% au 1er tour, le score le plus bas de l’histoire moderne du parti, les partisans de Pécresse se demandaient bien quelle suite allait être donnée à leur clan. Ils n’allaient pas tarder à la connaitre…

 

Une survie mal annoncée

Etudiante brillante, Valérie Pécresse passe son Bac à seulement 16 ans avant d’être diplômée d’HEC puis d’obtenir un DESS de droit et un DEA de fiscalité financière. Elle achève son parcours universitaire en se classant deuxième de sa promotion à l’ENA, en 1992. Après de telles études et honneurs, les adhérents des Républicains étaient en droit de penser que ses dépenses de campagne seraient gérées de main de maitre.

Et pourtant, au lendemain des premiers votes, n’ayant pas franchi le seuil nécessaire des 5% des intentions de vote comme le veut la loi – signifiant que les dépenses de campagne ne seront pas remboursées – Madame Pécresse faisait un appel aux dons. Le mouvement avait déjà eu du mal à rester pertinent depuis que Monsieur Macron était devenu président en 2017, mais en plus, les électeurs étaient de plus en plus divisés face à des politiciens incapables de trouver une vision claire pour leur parti. Désormais, l’existence du parti lui-même est menacée.

Mettant ses plus fidèles supporters devant le fait accompli, Valérie Pécresse déclarait que sa dette personnelle après la campagne s’élevait à 5 millions d’euros. Elle indiquait aussi, je cite : « Je lance ce matin un appel national aux dons, à tous ceux qui m’ont donné leur vote, mais aussi à tous les Français attachés au pluralisme politique et à la liberté d’expression. »

On comprend mieux pourquoi en retour de l’attaque verbal dont je faisais référence en tout début d’article, Bruno Le Maire avait simplement répondu, je cite : « De tous les candidats à la présidentielle sans exception, proposant une augmentation des salaires de 10 % qui coûte 25 milliards d’euros par an, Valérie Pécresse est la seule à ne pas savoir comment elle financera cette mesure ! » Au regard de la gestion de campagne calamiteuse menée par la représentante des LR, il semblerait qu’il avait vu juste…

 

La VIème République s’impose

Jamais le parti gaulliste fondateur de la Ve République ne s’était retrouvé avec son candidat sous la barre des 5 % au premier tour. En 2013, les comptes de campagne pour la réélection de Nicolas Sarkozy avaient été invalidés par le Conseil constitutionnel en raison d’un budget dépassant le plafond autorisé. L’UMP – devenue depuis LR – avait à l’époque réussi à rassembler en quelques semaines les 11 millions d’euros nécessaires à la survie du parti. La situation n’est donc pas inédite.

Ce qui a changé, c’est que Madame Pécresse ne bénéficie pas de l’affection dont jouissait Nicolas Sarkozy auprès des adhérents du parti gaulliste et a enregistré un score bien moindre que son prédécesseur. Et même si elle est parvenue à maintenir tant bien que mal l’unité de « la famille » autour d’elle durant la campagne, sa défaite a immédiatement refait surgir les profondes dissensions qui traversent le parti entre une aile modérée attachée au front républicain et une aile dure profondément anti-macroniste.

Ce qui pose problème tout de même, c’est la façon dont les élections présidentielles sont financées, parce qu’au final, c’est de l’argent public dont il s’agit. Rappelons tout de même que les aides publiques permettent aux candidats de rembourser une partie de leurs frais de campagne. La somme dépend du score obtenu le jour de l’élection. Pour les candidats présents au premier tour qui obtiennent :

  • plus de 5 % des suffrages exprimés, les montants remboursés s’élèvent à 47 % des plafonds, soit environ 8 millions d’euros ;
  • moins de 5 % des suffrages exprimés, les montants remboursés se font à hauteur de 4,7 % des plafonds, l’équivalent de 800 000 euros.

Pour les deux candidats qualifiés au second tour, les remboursements s’élèvent à 47,5 % du plafond, soit 10,69 millions d’euros.

Alors que les principaux syndicats – enfin, ceux que les médias mentionnent souvent comme étant comme tels, je veux parler de :

  • La confédération française démocratique du travail (CFDT)
  • La confédération générale du travail (CGT)
  • Force Ouvrière (FO)
  • La confédération générale des travailleurs chrétiens (CFTC)
  • Et l’Union syndicale Solidaires (Sud) luttent pour l’expression, la reconnaissance des classes laborieuses comme sujet de la société et du trop-plein d’argent que s’accaparent les dirigeants d’entreprises, là dans le cas présent, personne (eux et/ou les administrés en général) ne semblent s’offusquer des pratiques en cours, ni de la façon dont cet argent public pourrait être plus intelligemment utilisé.

 

L’argent de l’Etat dilapidé

Et pourtant, là où les responsables d’entreprise prennent des risques, qu’ils soient économiques (évolution des marchés), de conformité (confronté aux multiples lois et règlementations en place), de sécurité et de fraude, financiers (investissements personnels), de réputation, opérationnels et de concurrence (pour ne citer que les principaux), nos politiciens feraient bien de s’en inspirer.

N’oublions pas que les partis politiques sont, à la fois, financés par des ressources privées limitées par la loi :

  • les cotisations de leurs adhérents et de leurs élus tout d’abord, et via des dons des personnes privées, limités à 7 500 euros par an et par personne – sauf personnes morales depuis 1995.
  • et par un financement public en fonction de deux critères cumulatifs : les résultats aux élections législatives, pour ceux qui ont présenté des candidats ayant obtenu au moins 1% des voix dans au moins 50 circonscriptions, et le nombre de parlementaires.

Ainsi en 2020, le montant global versé aux partis (formations politiques ayant plus de 500 000 euros de recette comptables) s’est élevé à 66,08 millions d’euros. En cas de non-respect de la parité hommes-femmes pour la présentation de candidats aux élections, les formations sont pénalisées financièrement.

Alors que tous les candidats aspirent aux plus hautes marches de la sphère politique, à une certaine reconnaissance et des honneurs, ils n’arrivent même pas gérer leur propre campagne. Après ce constat amer, comment voulez-vous que les Français s’intéressent à la politique, aient une quelconque empathie envers ceux et celles qui disparaissent de la scène politique et surtout se mobilisent le jour où ils devraient le faire ?