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Les enjeux présidentiels de 2022

Des manifestations des ‘Gilets jaunes’ à la guerre aux portes de l’UE, en passant par la pandémie de la COVID-19, beaucoup de choses ont changé depuis l’élection d’Emmanuel Macron il y a cinq ans. Le Président sortant avait vite compris la lassitude et le dégoût du public pour les politiciens et les partis politiques traditionnels. En campagne électorale en 2017, il avait promis de « faire de la politique autrement ». Ce fut un facteur clé dans le lancement de son ascension au pouvoir, attirant des armées de volontaires et d’activistes dans son mouvement La République En Marche, attirés par la perspective de construire une plate-forme politique en collaboration.

À ce moment-là, l’idée était l’autogestion au niveau local, une structure latérale, une prise de décision partagée et un dialogue avec les partis d’opposition. Mais au cours du mandat de Macron, et en particulier pendant la pandémie de Covid-19, il a en pratique adopté la prise de décision descendante et exercé le pouvoir verticalement. Parfois, la pratique du pouvoir sous Macron a frôlé l’autoritarisme – un article est entièrement dédié sur le sujet (La fragilité de la liberté d’expression). Pire, en mars 2019, les Nations unies ont demandé à la France d’enquêter sur des affaires liées à l’usage excessif de la force.

En 2017, les attentes des Français se portaient sur la moralisation de la vie politique, le potentiel ‘Frexit’, le pouvoir d’achat et les questions environnementales. A quelques jours du premier tour des élections présidentielles 2022, que doit-on retenir des belles promesses faites il y a cinq ans ?

 

1/ L’inflation et le coût de la vie

Des sondages récents ont montré que le pouvoir d’achat, la capacité d’acheter des biens, reste une préoccupation majeure pour les électeurs français, en particulier dans un contexte d’inflation record en Europe, notamment dû à la forte demande liée à l’énergie suite aux restrictions strictes liées au COVID-19 dans de nombreux pays.

Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques, cette inflation devrait encore augmenter d’au moins 2 % de plus dans la zone euro en raison de la guerre en Ukraine.

Les candidats à l’élection présidentielle française ont des réponses différentes aux préoccupations des électeurs concernant l’argent, de la suggestion du candidat d’extrême gauche Jean-Luc Mélenchon de bloquer les prix et d’augmenter les mesures sociales, aux appels des candidats d’extrême droite Marine Le Pen et Zemmour à annuler l’aide sociale aux étrangers pour épargner de l’argent.

Selon les experts, les préoccupations concernant le pouvoir d’achat sont liées à d’autres préoccupations économiques, telles que les prix de l’énergie, les prix des logements et les frais de déplacement.

 

2/ La sécurité et la défense de l’Europe

Le terrorisme a dominé la fin du mandat de François Hollande, devenant un sujet majeur de l’élection de 2017. Alors qu’il y a eu des incidents terroristes en France, dont la décapitation de l’enseignant Samuel Paty en octobre 2020, le terrorisme a été moins au premier plan du débat de ce cycle électoral. Evidemment, la question de la sécurité peut renvoyer à des préoccupations tellement différentes qu’en parlant de sécurité, on a de bonnes chances de retenir l’attention et de répondre aux préoccupations de beaucoup de monde, qu’elle ait pour nom l’inquiétude de la lutte contre le terrorisme, celle liée à l’instabilité financière, la crainte d’une insécurité sanitaire et/ou de représailles qui découleraient de récents évènements internationaux.

Le Président Macron a appelé à une stratégie européenne de défense, incluant un budget militaire commun, un sujet sur lequel, plusieurs candidats de droite aux élections françaises, dont Le Pen, Zemmour et Valérie Pécresse, ont exhorté la France à augmenter ses dépenses de défense. Depuis 2017, les dépenses de défense de la France ont déjà augmenté de 7 milliards d’euros dans le but de porter les dépenses de défense à 2 % du PIB.

 

3/ Les questions environnementales

L’environnement reste une préoccupation majeure pour les Français, des sondages récents suggérant qu’il s’agissait du troisième problème pour les électeurs. Mais cela ne semble pas s’être traduit par un large soutien au candidat du Parti vert (EELV) Yannick Jadot, alors que certains espéraient que le succès des Verts dans de nombreuses grandes villes de France lors des élections municipales de 2020 se traduirait par davantage de votes sur la scène nationale.

Seulement voilà : les militants écologistes ont condamné l’inaction présumée d’Emmanuel Macron durant son premier mandat. Dans le même temps, les Français sont à la fois très désireux d’agir fortement contre les dégâts liés au réchauffement climatique et en même temps, fortement attachés au nucléaire. Quid du contenu des programmes des candidats pour que les effets de la crise climatique soient ressentis… A ce titre, un groupe de 26 ONG environnementales a récemment considéré que seuls les programmes de Mélenchon et Yannick Jadot étaient majoritairement validés comme bénéfiques pour lutter contre le changement climatique.

 

4/ La pandémie de covid-19

Les deux dernières années de politique ont été consommées par la pandémie de COVID-19, y compris les restrictions à la vie quotidienne imposées par le gouvernement. Même si certains candidats à la présidence ont critiqué la gestion de la crise par Macron, notamment l’introduction d’un laissez-passer pour les vaccins en janvier qui exigeait la vaccination ou la récupération du COVID-19 afin d’accéder aux restaurants et à d’autres domaines de la vie publique, très peu sinon aucun d’entre eux, n’ont été capables de proposer d’autres solutions durant la crise.

Même si les sondages ont montré que la crise sanitaire est encore une préoccupation majeure pour les électeurs – on peut le comprendre tant tout a été fait pour apeurer la population ! – les candidats font également preuve de prudence. Alors que du côté de Macron, on dira que les résultats ont été positifs dans la lutte contre le virus, l’opposition, elle, dira qu’il y a eu beaucoup (trop) d’échecs.

 

5/ Immigration

L’immigration est un sujet controversé en France et a de nouveau été un grand sujet du débat électoral, en particulier parmi les candidats de droite. Le Pen et Zemmour ont appelé à réduire les allocations sociales aux étrangers et à réserver ces avantages aux citoyens français. Ils ont également appelé à limiter l’entrée des demandeurs d’asile. Leurs opinions intransigeantes sur l’immigration s’inscrivent dans le contexte d’une augmentation de la migration vers l’Europe en 2021 de 57% par rapport à 2020. Certains candidats à la présidence ont soutenu la construction de clôtures frontalières et d’autres ont déclaré que l’Europe devrait travailler plus dur pour accueillir les demandeurs d’asile et suivre ses propres valeurs.

L’immigration légale, quant à elle, a augmenté en 2021 en France d’environ 21 % après une année pandémique où les demandes de régularisation ont été fermées pendant une période de confinement, mais les chiffres restent faibles, les immigrés ne représentant que 10 % de la population française. Alors même si ‘faibles’ – encore faudrait-il se mettre d’accord sur ce que faibles représentent ! – ce chiffre reste révèle aussi que des zones de non-droit existent et que certains quartiers de Marseille, mis en évidence par Eric Zemmour lors de son passage au marché aux puces sauvage de Capitaine Geze font état d’une tiers-mondialisation de la France.

 

Les vrais sujets qui mobilisent

Alors même si la candidate socialiste Hidalgo a appelé à augmenter les salaires des enseignants et le candidat EELV Jadot veut investir davantage dans l’enseignement supérieur, que Mélenchon et Le Pen ont appelé à ramener l’âge de la retraite à 60 ans, que Zemmour souhaiterait que les personnes qui travaillent plus soient mieux payées et que l’âge de la retraite passe à 64 ans, qu’une réduction drastique du personnel de la fonction publique soit envisagée par la candidate Pécresse, et que Macron souhaite relever l’âge de la retraite à 65 ans, au final, les vrais thèmes qui intéressent les Français, sont bien :

  • l’éducation
  • l’emploi
  • les impôts
  • les conditions d’accès à la santé
  • les retraites
  • les inégalités sociales
  • et la fracture urbaine/rurale en France, sujets pour lesquels les politiciens français n’ont pas beaucoup de réponses.

Alors je finirais bien sur cette note formulée par l’un de nos humoristes contemporains, je cite : « Est-ce que c’est parce que les Rouges sont Verts de rage et broient du noir, car ils ont une peur bleue de disparaitre, qu’ils vont se retrouver marrons au 2ème tour ? »