BlogQuestion de société

La bien-pensance de certains journalistes

Après avoir lu l’article signé par Jean-Michel Aphatie, mon aversion à ses idées gauchises mais surtout sa façon dénuée de tout fondement de chapitrer ses lecteurs, ne pouvait que s’accentuer. On peut être apolitique et apprécier la cohérence d’une intervention journalistique ; néanmoins lorsqu’un tel torchon est basé sur des contre-vérités et comme il le qualifie lui-même, je cite : « la fausseté du raisonnement. » on a surtout envie de hurler le côté malsain de certaine idéologie comme celle colportée par ce journaliste.

J’aime bien rappeler que le rôle d’un chroniqueur est d’avant tout d’informer, de rapporter des faits avec toute l’objectivité que doit être la sienne, et pas de les analyser, voire les commenter. Un ‘baveux’ comme les gens de sa profession sont parfois qualifiés, devrait démontrer une aptitude à pouvoir prendre un certain recul par rapport à l’actualité, qu’elle soit brûlante ou plus tempérée.

 

Les manipulations de circonstance

Lorsqu’en 2011 Monsieur Sarkozy a décidé d’intervenir en Libye, aucune communauté et encore moins les journalistes, ne se sont mobilisés pour dénoncer cette démarche dévastatrice. Evidemment, comme Tripoli est sur un autre continent – bien que la distance entre Kiev et Tripoli depuis Paris soit sensiblement la même… – l’affect n’a pas eu lieu !

Il est vrai aussi que la problématique n’était pas la même : il y avait en jeu une grande partie du pétrole libyen à saisir, la possibilité d’accroître l’influence française en Afrique du Nord, l’opportunité d’améliorer la situation politique intérieure en France et la chance pour l’armée française de se ‘défouler’. Bref, tout était réuni pour que cette intervention pourtant nullement légitime, ait lieu. Et puis, l’aspect géographique a mis en exergue que des faits qui se passent dans un autre continent sont sans commune mesure avec des évènements qui se déroulent aux portes de l’Europe : en clair, cela n’intéressait personne. D’où l’on voit aussi le désintérêt flagrant de nos pays à s’intéresser à la géo politique d’une manière générale, de sorte que leurs citoyens sont devenus totalement incultes dans ce domaine.

Ce qui me fait dire que si, comme les médias nous le rapportent déjà, les Français(e)s sembleraient concerné(e)s par cette guerre en Ukraine, c’est que le processus de propagande a été fait dans ce sens. D’ailleurs, deux jours seulement après l’invasion des Russes sur le territoire ukrainien, tous les médias s’empressaient déjà d’établir un bilan du nombre de personnes déplacées. Ils nous faisaient aussi le décompte du nombre de morts, et notamment ceux de civils et d’enfants. Alors d’où venaient tous ces chiffres ? Avaient-ils seulement pu être les vérifier ? Le nombre de victimes est-il si important à ce stade de cette situation ?

N’est-ce pas là la preuve que l’on joue avec nos émotions, de créer ce même type d’angoisse, de désarroi, et d’inquiétude qu’en… 2020 ? Et oui, tout le monde se rappelle qu’au tout début de la crise sanitaire et lors de sa première allocution du 16 mars, Monsieur Macron évoquait déjà une guerre – rien à voir avec celle-ci bien sûr ! Une fois de plus, qui décide en hauts lieux de ne pas nous alimenter avec une vision pluraliste des évènements ? Dois-je poser la question de ce que l’Etat gagne à cela, sinon d’obtenir une nouvelle phase de docilité de la part de la population française.

Un reporter du Point le disait lui-même, je cite : « Le journalisme est devenu un métier reposant quand il se réduit, ce qui est de plus en plus souvent le cas, hélas, à dresser des listes, celles du camp du Mal, des affreux, des détestables, des têtes à couper, ce qui donne bonne conscience à notre profession. Aujourd’hui, l’esprit critique ne doit s’exercer qu’à sens unique. Les sorties de route sont interdites, criminalisées… le débat d’idées n’a plus bonne presse ! »

 

‘Fake News’ ou non, la démocratie est en danger

Une grande partie de l’indignation qui inonde les médias sociaux, fuyant parfois dans les colonnes d’opinion et les interviews diffusées, n’est pas simplement une réaction aux événements eux-mêmes, mais à la manière dont ils sont rapportés et encadrés. Les « médias grand public » sont le principal foyer de cette colère. Les journalistes et les radiodiffuseurs qui prétendent être neutres sont un objet constant d’examen et de dérision, chaque fois qu’ils semblent laisser échapper leurs opinions personnelles.

Mais ce n’est pas simplement un sentiment anti-journaliste : une fureur similaire peut tout aussi bien s’abattre sur un expert indépendant chaque fois que son vernis de neutralité semble se fissurer, révélant apparemment des préjugés sous-jacents. Parfois, un rapport ou une réclamation est rejeté comme biaisé ou inexact pour la simple raison qu’il n’est pas le bienvenu. Mais depuis l’apparition des plateformes numériques, des smartphones et de la surveillance omniprésente, un nouvel état d’esprit public est apparu : nous émettons instinctivement des doutes dès lors quiconque prétend décrire la réalité de manière juste et objective. C’est une mentalité qui commence par une curiosité légitime quant à ce qui motive une histoire médiatique donnée ; généralement, elle se termine par un refus presque viscéral d’accepter toute version traditionnelle ou officielle du monde. La question est de savoir si tous nos comportements et principes nous fait du bien, individuellement ou collectivement.

La menace actuelle pour la démocratie est souvent considérée comme émanant de nouvelles formes de propagande, avec l’implication que des mensonges sont délibérément nourris à un public naïf et trop émotif. La montée simultanée des partis populistes et des plateformes numériques a suscité des inquiétudes bien connues quant au sort de la vérité dans les sociétés démocratiques. Les fausses nouvelles et les chambres d’écho d’Internet sont censées manipuler et ghettoïser certaines communautés, à des fins obscures. Des groupes clés – la génération Y ou la classe ouvrière blanche, par exemple – sont accusés d’être facilement persuasifs, grâce à leur sentimentalité excessive.

Alors que le cynisme grandit, même les juges, les défenseurs supposés neutres de la loi, sont publiquement accusés de parti pris personnel. Une fois que le doute s’installe sur la vie publique, les gens deviennent de plus en plus dépendants de leurs propres expériences et de leurs propres croyances sur la façon dont le monde fonctionne réellement. Mais la crise de la démocratie et celle de la vérité ne font qu’un : les individus se méfient de plus en plus des histoires « officielles » qu’on leur raconte, et s’attendent à en être les témoins. La vie publique est devenue comme une pièce de théâtre, sauf que les mœurs ont changé et que le public ne veut plus tomber dans l’incrédulité.

 

Le ‘Big Data’ dans le collimateur

Depuis le début des temps modernes, les sociétés libérales ont développé un large éventail d’institutions et de professions dont le travail garantit que les événements ne se passent pas simplement sans laisser de trace ni de sensibilisation du public. Traditionnellement, c’est grâce à ces systèmes, fondés sur des témoignages écrits et des déclarations publiques, que nous avons appris ce qui se passe dans le monde. Mais au cours des 20 dernières années, cette mosaïque d’archives a été complétée et menacée par un système radicalement différent, qui transforme la nature des preuves empiriques et de la mémoire. Un terme pour cela est « big data », qui met en évidence la croissance exponentielle de la quantité de données que les sociétés créent, grâce aux technologies numériques.

Il est tentant de blâmer Internet, les populistes ou les trolls étrangers d’inonder de mensonges notre société par ailleurs rationnelle. Mais cela sous-estime l’ampleur des transformations technologiques et philosophiques en cours. Contrairement au battage médiatique initial entourant les mégadonnées, l’explosion des informations dont nous disposons rend plus difficile, et non plus facile, l’obtention d’un consensus sur la vérité. À mesure que la quantité d’informations augmente, la nécessité de sélectionner des éléments de contenu de la taille d’une bouchée augmente en conséquence. En cette époque radicalement sceptique, les questions de savoir où chercher, sur quoi se concentrer et à qui faire confiance sont celles auxquelles nous cherchons de plus en plus à répondre par nous-mêmes, sans l’aide d’intermédiaires. C’est une sorte de libération, mais c’est aussi au cœur de la détérioration de notre confiance dans les institutions publiques.

Dans un secteur en constante évolution, notamment avec la question du numérique, la question du secret des sources journalistiques est également primordiale pour permettre aux journalistes d’exercer leur mission de « chiens de garde de la démocratie » de façon sereine et objective. Evidemment, nous préfèrerions des médias, qui plus au fait de la réalité, donneraient un petit peu plus de visibilité à ceux qui ont de vraies choses à dire. Mais force est de constater que tant que les journalistes seront payés grâce aux subventions de l’Etat, l’existence d’une presse plurielle et libre permettant aux citoyens d’accéder aux débats d’idées contradictoires nécessaires à sa réflexion et sa participation à la vie publique et démocratique, est devenue une utopie. Le travail des journalistes implique une quantité croissante de discussions non scénarisées en temps réel, qui offrent une fenêtre parfois troublante sur leur pensée.

 

Les valeurs et préjugés journalistiques

Evidemment, nous lecteurs, préfèrerions des médias, qui plus au fait de la réalité, donneraient un petit peu plus de visibilité à ceux qui ont de vraies choses à dire. Mais force est de constater que tant que les journalistes seront payés grâce aux subventions de l’Etat, l’existence d’une presse plurielle et libre permettant aux citoyens d’accéder aux débats d’idées contradictoires nécessaires à sa réflexion et sa participation à la vie publique et démocratique, est devenue une utopie. Le travail des journalistes implique une quantité croissante de discussions non scénarisées en temps réel, qui offrent une fenêtre parfois troublante sur leur pensée.

Pendant un siècle, les mots ‘impartialité’ et ‘objectivité’ ont été assimilés pour décrire un bon journalisme – mais utilisés aujourd’hui pour critiquer et dénigrer ceux qui délivrent l’information. Et à juste titre : l’objectif d’un journalisme « impartial » et « objectif » est tout simplement impossible. Tout d’abord parce que la partialité est en chacun de nous ; elle est implicite en nous et nous affecte inconsciemment. Elle guide la façon dont nous voyons les gens, comment nous réagissons aux événements qui nous entourent et les jugements que nous portons sur comment et pourquoi les gens font les choses. Les préjugés, lorsqu’ils sont autorisés à rester inconscients, nuisent à notre capacité à rendre compte de manière juste et précise.

Cela implique les journalistes aussi ! Ils ne peuvent pas et ne pourront jamais franchir la barre haute de « l’impartialité », et continuer à vouloir suggérer qu’ils s’efforcent de le faire relève de l’absurdité. Le travail d’un journaliste n’est pas de prétendre qu’ils n’ont aucun parti pris – bien sûr qu’ils le font ! – leur travail est aussi de reconnaître les préjugés qu’ils ont et de travailler pour les atténuer du mieux qu’ils le peuvent. Il faut simplement reconnaitre que certains le font mieux que d’autres, et parfois en fonction des évènements, du contexte et de son environnement.

Certes, ils doivent faire mieux ; il n’est peut-être pas naturel de surmonter leurs propres préjugés inconscients, mais s’ils ont choisi ce métier, c’est aussi parce que leurs neurosciences leur disent que c’est possible. C’est là que la compassion et l’empathie jouent un rôle ; ils doivent apprendre à reconnaître les préjugés lorsqu’ils se glissent dans leurs esprits, à être plus curieux, à se soucier de la façon dont les autres se voient et voient le monde différemment. Ils peuvent surmonter leurs propres préjugés inconscients implicites en utilisant l’empathie, la pensée critique et en prenant un moment pour réfléchir à ce qu’ils pensent et croient être vrai.